
Les époux mariés sous le régime légal amassent des biens communs ; en cas de divorce, il faut régler le sort juridique de ces biens indivis.
Du prononcé du divorce au partage des biens : indivision
Le sort des biens au cours de la procédure de divorce
Le divorce fait naître une situation d'indivision légale entre les anciens époux dès lors qu'ils possèdent des biens communs.
En effet, du moment où les époux envisagent le divorce, au moment où le régime matrimonial est liquidé, une longue période se passe :
- Avant le prononcé du divorce :
- Les époux doivent faire une demande de divorce (assignation ou requête conjointe) et assister à une audience d'orientation et sur mesures provisoires (ex-audience de conciliation).
- Au terme seulement de ces étapes, le juge prononce le divorce.
- Avant le jugement de divorce, les époux sont réputés être mariés et le régime matrimonial continue de s'appliquer.
- Après le prononcé du divorce : hormis dans le cas de divorce par consentement mutuel, une question subsiste après le jugement de divorce, que deviennent les biens des époux ?
- Cette question est réglée ultérieurement, lors de la liquidation du régime matrimonial.
- Jusqu'alors, les anciens époux se retrouvent en indivision sur les biens de la communauté.
- Liquidation du régime matrimonial : les biens en indivision sont partagés entre les époux, en nature ou en argent, un terme est mis à l'indivision.
Bon à savoir : l'intervention d'un notaire est indispensable pour liquider le régime matrimonial. Attention, le tribunal saisi d'une demande en partage ne peut pas homologuer un état liquidatif établi par un notaire qui n'a pas été désigné en justice (Cass. 1re civ., 11 juillet 2019, n° 17-31.091).
Important : la répartition des droits de propriété sur un bien acheté en indivision se fait conformément aux quotes-parts indiquées dans l'acte d'acquisition et non en fonction du financement. Le fait que l'un des acquéreurs ait contribué plus que l'autre est sans incidence sur leurs droits de propriété respectifs : si deux acquéreurs achètent un bien en indivision chacun pour moitié, ils auront acquis la propriété dans la même proportion, sans qu’il ne soit tenu compte des modalités et sources de financement dudit bien (Cass. 1re civ., 10 janvier 2018, n° 16-25.190).
À noter : lorsque des époux achètent un bien immobilier avec une déclaration d'emploi, si les fonds propres de l'un des époux sont supérieurs à la somme investie par la communauté, le bien immobilier est considéré comme un bien propre de l'époux dont les fonds sont supérieurs (Cass. 1re civ., 7 novembre 2018, n° 17-25.965).
Identification des biens indivis lors du divorce
L'identification des biens en indivision dépend du régime matrimonial sous lequel les époux sont mariés :
- régime légal (communauté réduite aux acquêts) : tous les biens acquis par les époux pendant le mariage sont des biens communs ;
- communauté universelle : tous les biens acquis avant et pendant le mariage sont des biens communs ;
- séparation de biens : tous les biens acquis par les époux restent propres à chaque époux ;
- participation aux acquêts : les biens acquis par les époux pendant le mariage leur restent propres au cours du mariage, mais deviennent communs lors du divorce.
À noter : s’ils sont soumis au régime de la communauté légale, les époux peuvent utiliser seuls, chacun de leur côté, les fonds communs. L’emploi de ces fonds est supposé être fait dans l’intérêt de la communauté. Toutefois, au moment du divorce, le conjoint qui a utilisé les fonds communs doit informer l’autre époux de l’utilisation qu’il en a fait (Cass. 1re civ., 11 juillet 2019, n° 18-21.574).
À compter du prononcé du divorce, les époux sont en indivision sur :
- les biens communs ;
- les biens acquis en indivision pendant le mariage ;
- les biens dont l'origine et la nature ne sont pas encore déterminées.
Jusqu'à la dissolution du régime matrimonial, les époux – chacun considéré comme coindivisaire – doivent donc gérer chaque bien en indivision selon les règles légales de gestion indivision.
Exemple 1 : si un époux occupe un bien immobilier, il doit une indemnité à l'autre époux ; s'il effectue des frais d'indivision dans le cadre de travaux d'amélioration, les frais doivent être supportés par les 2 époux coindivisaires.
Exemple 2 : deux époux mariés sous le régime de la communauté légale divorcent. L'un des deux époux a acquis, au cours du mariage, des parts sociales au sein d'une société, lui seul ayant la qualité d'associé. Les dividendes afférents à ces parts sociales ont été versés pendant la période d'indivision post-communautaire (après le prononcé du jugement de divorce, mais avant la dissolution du régime matrimonial). Ils reviennent donc aux deux époux à hauteur de 50 % chacun (Cass. 1re civ., 28 mars 2018, n° 17-16198).
À noter : même si le Code civil protège le logement familial en interdisant à un époux d’accomplir seul un acte de disposition concernant ledit logement, il n’interdit pas aux créanciers d’un époux de provoquer le partage et la licitation du logement familial détenu en indivision avec son conjoint (Cass. 1re civ., 16 septembre 2020, n° 19-15.939).
Maintien volontaire dans l'indivision au terme du divorce : la convention d'indivision
Lors de la dissolution de la communauté de biens – pour sortir de l'indivision – plusieurs solutions s'offrent aux époux coindivisaires :
- soit les biens sont vendus et les époux se partagent le produit de la vente ;
- soit un des époux rachète la part de l'autre sur un ou plusieurs bien(s) ;
- soit les biens sont attribués en nature à parts égales entre les 2 époux.
Toutefois, les époux peuvent souhaiter conserver un bien en particulier, sans que ce bien puisse être partagé en 2, et sans que l'un ou l'autre époux ait les moyens de racheter la part de l'autre.
Il s'agit en général du logement familial : les époux souhaitent le conserver, afin que leurs enfants continuent d'y vivre avec l'un ou l'autre des parents, sans que ce parent puisse racheter la moitié du bien immeuble.
Dans ces conditions, les époux coindivisaires ont la possibilité de se maintenir dans l'indivision : la communauté est liquidée à l'exception du logement familial. Dès lors, le bien immeuble reste en indivision, et sa gestion suit les règles fixées dans la convention d'indivision.
Bon à savoir : le juge peut imposer cette solution lorsque l'intérêt des enfants l'exige.
Intérêt de la convention d'indivision : sortir le bien de la communauté
Le sort du patrimoine commun doit être clos pour que les époux puissent déposer leur requête en divorce. L’état liquidatif doit impérativement être joint à la convention de divorce.
Si les époux ne veulent pas se séparer d’un bien immobilier (en général le logement de la famille), ils peuvent alors rédiger une convention d’indivision. En effet, cette convention permet d’extraire le bien de la communauté pour qu’il ne fasse pas l’objet du partage : il reste donc la propriété des deux ex-époux après le divorce, sous le régime de l’indivision.
À noter : cette solution peut être vraiment intéressante pour le logement familial. En effet, les époux peuvent conserver le logement dans l'intérêt des enfants : l’époux qui a leur garde pourra continuer à y vivre, en attendant par exemple de disposer des fonds pour racheter la part de son ex-conjoint.
Contenu de la convention d'indivision : organisation précise de la gestion du bien
Il faut impérativement organiser la gestion du bien immobilier entre les ex-époux jusqu'au jour de sa vente.
La convention d'indivision doit notamment prévoir :
- si le bien immobilier est occupé par l’un des époux, et dans ce cas fixer une indemnité d’occupation (qui correspond en pratique à la moitié du loyer qui pourrait être exigé s’il était loué) ;
Bon à savoir : lorsque la jouissance du logement familial est attribuée contre le versement d’une indemnité d’occupation, celle-ci constitue un revenu foncier pour celui qui la reçoit. L'époux qui verse l'indemnité ne peut pas la déduire de son revenu global. En revanche, si la jouissance du logement familial est attribuée à titre gratuit, l’époux bénéficiaire de cette jouissance doit déclarer cet avantage en nature dans sa déclaration d’impôt sur le revenu au titre des pensions alimentaires. L’autre époux, quant à lui, peut déduire de ses revenus cet avantage en nature.
- la répartition de la prise en charge des frais, des coûts de travaux d’entretien et autres charges liés au bien immobilier ;
- l'organisation de la prise en charge des échéances mensuelles, pour le cas où il subsiste encore un prêt immobilier afférant au bien immobilier.
À noter : un indivisaire n’est pas tenu de verser une indemnité d’occupation à l’indivision lorsqu'il occupe privativement un immeuble indivis dès lors qu’il le loue en vertu d’un bail verbal et ce, même si la valeur locative du bien est très supérieure au loyer effectivement versé (Cass. 1re civ., 18 mars 2020, n° 19-11.206).
Régularisation de la convention d'indivision
Rédaction impérative par un notaire
Comportant un bien immobilier, la convention doit obligatoirement être rédigée par un notaire, officier public seul titulaire du monopole de la publicité foncière.
La convention d'indivision est un document écrit qui doit indiquer :
- la désignation et l'identification précise du bien concerné ;
- les noms des deux co-indivisaires et la quote-part de chacun sur le bien immobilier (qui représentera ainsi la somme qu’ils récupéreront en cas de vente) ;
- la précision de la durée de l'indivision : à durée déterminée (elle ne peut alors pas dépasser cinq ans, avec un possible renouvellement), ou indéterminée (l’indivision dure jusqu’à la vente du bien immobilier).
Présentation de la convention au juge et publication au service de la publicité foncière
La convention d'indivision doit être intégrée au dossier de divorce, avec la convention de divorce et l’état liquidatif. Elle prendra effet lorsque le divorce sera prononcé.
S’agissant d’un bien immobilier, il est donc soumis à la publication aux services de la publicité foncière (anciennement : conservation des hypothèques). Par conséquent, des frais supplémentaires sont à prévoir : salaire du conservateur des hypothèques, taxes de publicité foncière, etc., que le notaire se charge d'évaluer dans sa fiche de frais.
Bon à savoir : au moment du partage, un droit de partage calculé sur la valeur nette de l'actif partagé est dû. Le taux du droit de partage est en principe de 2,50 % mais en cas de divorce, de rupture de Pacs ou de séparation de corps, il est réduit à 1,10 % au 1er janvier 2022 (article 746 du Code général des impôts).
À noter : faut-il attendre d’avoir vendu le logement du couple pour divorcer ? La réponse est non. En pratique, de nombreux couples en voie de séparation conditionnent leur demande de divorce à la vente du logement familial. Pourtant, la signature d'une convention d'indivision permet de divorcer sans attendre la vente du bien immobilier. Afin de pouvoir divorcer amiablement, les époux doivent présenter au juge une convention portant sur la liquidation de leur régime matrimonial : celle-ci organise le sort de leur patrimoine commun, et il ne s'agit pas d'un partage.