La loi encadre la gestion d'un bien indivis par des règles parfois contraignantes : il est cependant possible de les aménager.
Gestion d'un bien indivis : les règles légales
Quels actes par qui ?
Actes conservatoires | Actes d'administration | Actes de disposition | |
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Définition |
Exemple : travaux de toiture.
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Exemple : conclure un bail d'habitation.
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Exemple : vente du bien en indivision. |
Qui peut les effectuer ? | Tout indivisaire est autorisé à passer seul ce type d'actes. | Le ou les indivisaires détenteurs d'au moins 2/3 des parts peuvent passer ce type d'actes. | L'unanimité est nécessaire à l'accomplissement de ce type d'actes. Cependant, le juge peut autoriser une vente si au moins 2/3 des indivisaires sont d'accord et que :
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Exemple : A, B, C et D possèdent un appartement en indivision ; A et B ont chacun 1/3 des parts, et C et D ont chacun 1/6. A et B peuvent mettre l'appartement en location, sans l'accord de C et D ; C et D doivent toutefois être mis au courant.
Bon à savoir : un régime particulier existe pour les biens immobiliers situés en Corse et ayant fait l'objet d'un acte de notoriété acquisitive avant le 31 décembre 2027. Une simple majorité des propriétaires (et non les 2/3) suffit pour les actes de gestion ou les actes urgents, et la majorité des 2/3 des indivisaires suffit pour les actes de disposition.
À noter : l'action en revendication (le fait de revendiquer juridiquement la propriété d'un bien), lorsqu'elle porte sur une propriété indivise et qu'elle a pour objet la conservation des droits de chaque indivisaire, constitue un acte conservatoire que chacun des indivisaires peut accomplir seul et non à l’unanimité des coindivisaires (Cass. 3e civ., 24 octobre 2019, n° 18-20.068).
Aménagements des règles de gestion d'un bien indivis
Lorsque les coindivisaires sont nombreux et/ou en conflit, ils peuvent aménager la gestion du bien pour la rendre plus facile ; deux moyens permettent d'alléger les règles légales de gestion : nommer un mandataire ou conclure une convention d'indivision.
Nommer un mandataire
Les coindivisaires choisissent ensemble un des coindivisaires ou un tiers pour gérer le bien en indivision.
- Le mandat peut être verbal ou être passé par écrit, par acte sous seing privé (entre les coindivisaires seulement) ou par acte authentique (devant notaire).
- Le mandat précise les conditions dans lesquelles la gestion doit être assurée par le mandataire. Il peut s'agir :
- d'un mandat spécial : il autorise le mandataire à passer un type d'actes en particulier ; ou
- d'un mandat général : le mandataire est chargé d'effectuer tous les actes relatifs à la gestion du bien.
- Nommer un mandataire permet aux coindivisaires d'éviter des formalités lourdes, et/ou des conflits, dans la mesure où le mandataire prend seul les décisions relatives à la gestion du bien.
Conclure une convention d'indivision
Les coindivisaires peuvent choisir de conclure ensemble une convention d'indivision, c'est-à-dire un contrat au terme duquel ils aménagent les règles légales.
Si, malgré ces aménagements, l'indivision reste une situation trop contraignante pour les coindivisaires, ils peuvent toujours faire le choix de sortir de l'indivision.
Important : la répartition des droits de propriété sur un bien acheté en indivision se fait conformément aux quotes-parts indiquées dans l'acte d'acquisition et non en fonction du financement. Le fait que l'un des acquéreurs ait contribué plus que l'autre est sans incidence sur leurs droits de propriété respectifs : si deux acquéreurs achètent un bien en indivision chacun pour moitié, ils auront acquis la propriété dans la même proportion, sans qu’il ne soit tenu compte des modalités et sources de financement dudit bien (Cass. 1re civ., 10 janvier 2018, n° 16-25.190).
Gestion de l'indivision par un seul indivisaire
Lorsqu'un bien est en indivision, chaque indivisaire a, en principe, un droit de jouissance sur ce bien. Par conséquent, si l'un d'entre eux en fait un usage privatif ou obtient un droit de jouissance exclusif à la suite d'un jugement, il est redevable d'une indemnité d'occupation.
Le paiement d'une indemnité d'occupation s'impose dès lors que les autres indivisaires sont privés de leurs droits. Il importe peu que cet indivisaire ait l'usage exclusif du bien qu'il occupe.
Exemples de jurisprudence : un père s'est retrouvé propriétaire avec ses trois fils d'un logement après le décès de sa femme. C'est ainsi que les juges ont considéré que ces indivisaires devaient une indemnité d'occupation car, même s'ils n'habitaient pas les lieux, eux seuls en détenaient les clés (Cass. 1re civ., 30 juin 2004, n° 02-20.085). Dans le même esprit, une épouse avait obtenu du juge la jouissance exclusive du domicile conjugal pendant la procédure de divorce, et a été condamnée à verser une indemnité à son ex-époux. Elle avait finalement déménagé et n'utilisait pas son droit d'occupation, mais elle seule détenait les clés de ce logement (Cass. 1re civ., 8 juillet 2009, n° 07-19.465).
Le fait que le logement soit habité par une autre personne n'exempte pas d'indemnisation. Dès lors, et suivant une jurisprudence constante, ont été condamnés à payer une indemnité d'occupation :
- un mari qui avait obtenu la jouissance du domicile après le divorce, mais l'avait laissé à l'enfant du couple (Cass. 1re civ., 23 juin 2010, n° 09-13.250) ;
- un indivisaire détenant l'usage exclusif d'une maison occupée par sa mère (Cass. 1re civ., 29 juin 2011, n° 10-20.229) ;
- un époux qui avait mis en location une partie du bien qu'il possédait en indivision (Cass. 1re civ., 23 novembre 2011, n° 10-18.315).
Bon à savoir : l'occupation du bien par un seul des indivisaires n'est, en principe, pas gratuite, mais les indivisaires ou un juge peuvent décider qu'elle le sera. Le juge aux affaires familiales peut ainsi attribuer, dans le cadre de son ordonnance de non-conciliation, la jouissance gratuite d'un logement en indivision à un époux jusqu'au prononcé du jugement. Il faut savoir que lorsque le jugement ne précise pas si l'usage privatif est gratuit ou non, il est présumé payant.
À défaut d'accord entre les indivisaires ou de partage provisionnel du bien, l'indemnité due par celui qui en a l'usage privatif doit revenir à l'indivision (art. 815-10 du Code civil).
Les indivisaires lésés ont jusqu'à 5 ans pour réclamer une indemnité d'occupation :
- en cas de divorce, ce délai démarre à compter de la décision prononçant le versement de l'indemnité, dès qu'elle n'est plus susceptible de recours ;
- dans les autres cas, l'indemnité n'est due que pour les 5 années qui précèdent la demande. Il est toutefois important de rappeler que l'indivisaire qui occupe les lieux peut renoncer lui-même à la prescription.
À noter : un indivisaire n’est pas tenu de verser une indemnité d’occupation à l’indivision lorsqu'il occupe privativement un immeuble indivis dès lors qu’il le loue en vertu d’un bail verbal et ce, même si la valeur locative du bien est très supérieure au loyer effectivement versé (Cass. 1re civ., 18 mars 2020, n° 19-11.206).