
Un bien en indivision engendre des bénéfices et implique des frais. Quels sont ces frais d'indivision et comment les sommes d'argent sont-elles réparties entre les coindivisaires ?
Administration des biens indivis et droits des indivisaires
Administration des biens indivis
La loi autorise l'initiative de tout indivisaire pour prendre les mesures nécessaires à la conservation et la gestion courante des biens indivis.
La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a assoupli les règles d'administration de l'indivision, afin de faciliter la gestion du patrimoine transmis et d'éviter les situations de blocage.
Le domaine des actes ou des décisions qui peuvent être pris par un seul indivisaire a été élargi, celui qui requiert l’unanimité a été réduit et la loi a introduit la catégorie des actes soumis à la majorité des 2/3.
Actes ou décisions relevant du seul pouvoir d'un indivisaire
Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même s'il n'y a pas urgence. Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui, et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers ou, à défaut, obliger ses co-indivisaires à participer aux dépenses nécessaires.
En outre, le juge peut autoriser un indivisaire à faire les actes suivants :
- représenter un indivisaire qui se trouve hors d'état de manifester sa volonté ;
- si l'intérêt commun de l'indivision est en péril : passer seul un acte pour lequel le consentement d'un co-indivisaire est nécessaire ;
- percevoir des débiteurs de l'indivision une provision destinée à faire face aux besoins urgents.
À noter : même si le Code civil protège le logement familial en interdisant à un époux d’accomplir seul un acte de disposition concernant ledit logement, il n’interdit pas aux créanciers d’un époux de provoquer le partage et la licitation du logement familial détenu en indivision avec son conjoint (Cass. 1re civ., 16 septembre 2020, n° 19-15.939).
Actes ou décisions nécessitant la majorité des 2/3
Une majorité des 2/3 des droits indivis est requise pour les actes de gestion, précision étant faite que cette majorité des 2/3 peut être détenue par un ou plusieurs indivisaires.
Cette majorité des 2/3 des droits indivis permet :
- de réaliser un acte d'administration ;
- de donner un mandat général d'administration à un indivisaire (ou à un tiers) ;
- de vendre des meubles indivis, afin de payer les dettes et les charges de l'indivision ;
- de conclure et renouveler des baux (autres que ceux portant sur un domaine agricole, commercial, industriel ou artisanal).
Bon à savoir : les indivisaires qui ont effectué des actes d'administration ou de gestion à cette majorité doivent en avertir les autres indivisaires. À défaut, les actes ne leur seraient pas opposables.
Actes ou décisions nécessitant l'unanimité des indivisaires
Le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition.
Droits des indivisaires
La loi rappelle que chaque indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable du produit net de cette gestion. Il peut seulement prétendre à la rémunération de son activité, et se faire payer de ses dépenses ou tenir compte des améliorations apportées par lui.Chaque indivisaire a vocation à profiter des bénéfices provenant de l'indivision, à proportion de ses droits dans celle-ci. La même règle est à observer s'agissant des pertes : un indivisaire n'a pas à supporter la charge de plus de passif que ne l'y obligent ses droits dans l'indivision.
Chacun des indivisaires peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, et dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires. À défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal judiciaire.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité d'occupation (notamment dans le cadre des procédures de divorce).
Principe : répartition proportionnelle des frais et des bénéfices
Les parts d'un coindivisaire sur le bien en indivision déterminent non seulement son taux de participation à la gestion indivision, mais aussi sa prise de participation dans les bénéfices et les frais engendrés par le bien :
- chaque coindivisaire est intéressé aux bénéfices proportionnellement à ses parts sur le bien ;
Exemple : A, B et C ont un appartement en indivision ; A détient 60 % des parts, B détient 30 % et C détient 10 %. L'appartement est loué moyennant un loyer mensuel de 500 : A récupère 300, B récupère 150 et C récupère 50.
- chaque coindivisaire est tenu au paiement des frais proportionnellement à ses parts sur le bien ;
Exemple : dans l'exemple précédent, la taxe foncière s'élève à 1 000 : A doit payer 600, B doit payer 300 et C doit payer 100.
En pratique, les frais et les bénéfices ne sont pas forcément répartis immédiatement, ils peuvent être avancés ou encaissés par l'un des coindivisaires seulement.
Dans ces conditions, il appartient aux autres coindivisaires de rembourser celui qui a avancé les frais, et de récupérer l'argent des bénéfices qui leur revient.
À savoir : pour une gestion facilitée, les coindivisaires peuvent ouvrir un compte en indivision.
Important : la répartition des droits de propriété sur un bien acheté en indivision se fait conformément aux quotes-parts indiquées dans l'acte d'acquisition et non en fonction du financement. Le fait que l'un des acquéreurs ait contribué plus que l'autre est sans incidence sur leurs droits de propriété respectifs : si deux acquéreurs achètent un bien en indivision chacun pour moitié, ils auront acquis la propriété dans la même proportion, sans qu’il ne soit tenu compte des modalités et sources de financement dudit bien (Cass. 1re civ., 10 janvier 2018, n° 16-25.190).
Gestion et occupation individuelle d'un bien indivis
Frais pour travaux : indemnisation du coindivisaire
L'indivision doit indemniser le coindivisaire qui engage des frais dans le cadre de travaux d'amélioration ou de conservation du bien indivis :
- travaux de conservation : les coindivisaires remboursent celui d'entre eux qui engage des frais en vue de la conservation du bien indivis ;
Exemple : dans l'exemple précédent, C avance la somme de 1 000 pour faire réparer la toiture ; A lui doit 600 et B lui doit 300.
- travaux d'amélioration :
- les coindivisaires doivent indemniser celui d'entre eux qui engage des frais pour améliorer le bien ;
- cette indemnisation correspond à la plus-value résultant des sommes avancées par le coindivisaire pour les travaux d'amélioration, cette plus-value étant évaluée au jour du partage.
Exemple : dans l'exemple précédent, C avance la somme de 1 000 pour faire installer des panneaux solaires. Au jour du partage, la plus-value résultant des panneaux solaires est évaluée à 2 500 : C est indemnisé à hauteur de 2 500.
À l'inverse, le coindivisaire à l'origine d'une moins-value (en cas de détérioration du bien indivis) indemnise les autres coindivisaires. En cas de dommage ou de dégradation d'un bien indivis, tous les indivisaires sont en principe responsables. Toutefois, la loi prévoit que si une dégradation ou une détérioration a été commise du fait ou par la faute d'un seul indivisaire, ce dernier doit seul en répondre (article 815-13 du Code civil).
Gestion individuelle d'un bien : rémunération du coindivisaire
Le coindivisaire qui s'occupe de gérer seul un bien en indivision peut exiger une rémunération : les conditions de sa rémunération sont fixées à l'amiable, dans une convention d'indivision ou – en cas de désaccord – par le juge.
Inversement, le coindivisaire est redevable à l'indivision des bénéfices issus de sa gestion.
Exemple : dans l'exemple précédent, C s'occupe seul de louer l'appartement ; il est redevable des loyers qu'il reçoit, mais il peut demander à être rémunéré pour son travail, en touchant – par exemple – 5 % des loyers en plus de ses parts.
Indépendamment des honoraires de l'avocat en charge de la procédure de divorce, la rédaction de la convention d'indivision entraîne la perception des honoraires et taxes suivants :
- l'émolument du notaire (arrêté du 26 février 2016) : est appliqué le taux d'une des 2 séries S1 ou S2 (fixées dans le décret), multipliés par un coefficient propre à chaque type d'acte. En la matière, il s'agit de la série S2 pour un coefficient déterminé en fonction du prix de cession ;
- la contribution de sécurité immobilière (ex-salaire du conservateur des hypothèques, cette fonction ayant disparu depuis le 1er janvier 2013 avec l'ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010) : 200 € ;
- les taxes de publicité foncière : 125 € ;
- des débours divers (cadastre, etc.) : 50 €.
Occupation personnelle d'un bien : indemnisation des coindivisaires
Le coindivisaire qui a la jouissance exclusive d'un bien doit indemniser les autres coindivisaires : les modalités de jouissance, le montant et les conditions de l'indemnité peuvent être fixés librement par les coindivisaires.
Exemple : A et B divorcent et se retrouvent en indivision ; A demeure dans le logement familial. Au jour du partage, A doit indemniser B du montant fixé par eux ou par le juge.
En matière d'indemnité d'occupation et de divorce, la jurisprudence considère que l’indemnité d’occupation pour jouissance privative est due même en l’absence d’occupation privative effective des lieux, « dès lors qu’il y a impossibilité de droit ou de fait pour les coindivisaires d’en user » (Cass. 1re civ., 29 juin 2011, n° 10-15.634).
En l’absence d’accord entre les parties, il incombe au juge de déterminer le montant de l'indemnité pour jouissance privative d'un bien indivis, en cas de divorce.
La Cour de cassation fournit quelques indications générales de détermination de l'indemnité d'occupation :- la valeur locative n’est pas un élément de référence automatique : rien n’interdit au juge de prendre en considération d'autres éléments propres à l'espèce (Cass. 1re civ., 13 décembre 1994, n° 92-20.780) ;
- l'indemnité est due à l'indivision et non aux autres indivisaires (jurisprudence constante) ;
- la Cour de cassation considère que lorsque l'un des époux a joui exclusivement du logement familial avec ses enfants, l'indemnité d'occupation mise à sa charge peut être diminuée, voire dans certains cas supprimée (jurisprudence constante).
Bon à savoir : l’indemnité d’occupation est comparable à un loyer mais ne lui est pas assimilable. En effet, l’indivisaire occupant ne bénéficiant pas de la protection du locataire, la précarité de son titre d'occupation justifie donc une contrepartie financière moindre que le montant d'un loyer.
À noter : un indivisaire n’est pas tenu de verser une indemnité d’occupation à l’indivision lorsqu'il occupe privativement un immeuble indivis dès lors qu’il le loue en vertu d’un bail verbal et ce, même si la valeur locative du bien est très supérieure au loyer effectivement versé (Cass. 1re civ., 18 mars 2020, n° 19-11.206).