
Lorsque plusieurs personnes achètent en indivision, ils peuvent contracter un emprunt en indivision : un seul emprunt à la charge de plusieurs souscripteurs.
Financement d'un bien immobilier par un prêt en indivision
Lorsque plusieurs personnes décident de faire ensemble un achat en indivision, elles peuvent choisir entre plusieurs modes de financement :
- Chaque coindivisaire apporte ou emprunte une partie de l'argent, de manière individuelle. Exemple :
- A, B, C et D achètent une maison en indivision. A et B apportent chacun 15 % du financement en fonds propres ; C emprunte – seul – pour 30 % du financement ; D apporte 10 % du financement, et emprunte – seul – pour 30 % du financement.
- Les apports et les emprunts sont individuels, pour un bien en indivision.
- Un ou plusieurs coindivisaires apportent une partie de l'argent, et les coindivisaires empruntent ensemble le reste de l'argent.
- Les coindivisaires empruntent ensemble la totalité de l'argent.
Dans ces 2 dernières hypothèses, les coindivisaires contractent un prêt en indivision :
- Un seul emprunt est souscrit, auprès d'un établissement bancaire unique, mais plusieurs personnes remboursent les mensualités de l'emprunt.
- Les coindivisaires sont solidaires du remboursement du prêt.
Bon à savoir : les conditions d'un prêt en indivision sont les mêmes que celles d'un prêt par une SCI, ou par une personne seule.
À noter : même si le Code civil protège le logement familial en interdisant à un époux d’accomplir seul un acte de disposition concernant ledit logement, il n’interdit pas aux créanciers d’un époux de provoquer le partage et la licitation du logement familial détenu en indivision avec son conjoint (Cass. 1re civ., 16 septembre 2020, n° 19-15.939).
Modalités de remboursement du prêt en indivision
Lors de l'acquisition du bien en indivision, les coindivisaires précisent au notaire le pourcentage de parts de chacun sur le bien. À défaut, ils sont réputés être coindivisaires à parts égales.
Il est important que les pourcentages de parts des coindivisaires sur le bien correspondent à leur contribution financière respective réelle, et ce pour 2 raisons :
- Lorsque les coindivisaires mettent un terme à l'indivision, chacun récupère son pourcentage de parts, tel qu'indiqué dans l'acte d'acquisition. Si les pourcentages ne correspondent pas aux contributions financières réelles des coindivisaires, cela peut entraîner des conflits. Exemple :
- A et B, concubins, achètent une maison en indivision, sans préciser la contribution financière de chacun à l'achat ; ils sont donc réputés être coindivisaires à parts égales.
- Mais A et B contractent un prêt en indivision, que A rembourse à 80 %.A et B se séparent et vendent la maison : A et B se partagent le produit de la vente à parts égales, alors que A a financé le bien à 80 %.
- Si les pourcentages de parts ne correspondent pas au financement réel, l'opération peut être qualifiée de donation déguisée.
Néanmoins, il est parfois difficile de prévoir la contribution financière réelle de chaque coindivisaire.
Exemple : A et B font un prêt en indivision, mais A est licencié et ne peut plus participer au remboursement des mensualités ; seul B rembourse le prêt pendant toute la période où A ne peut pas payer.
Il est donc judicieux d'ouvrir un compte en indivision ou de tenir une comptabilité précise, afin de prévenir d'éventuelles discordes.
Bon à savoir : si les coindivisaires décident de mettre fin à l'indivision, ils peuvent vendre le bien pour solder le prêt en indivision, ou faire transférer le prêt au nom de celui – le cas échéant – qui choisit de garder le bien en indivision en rachetant les parts des autres.
Remboursement des échéances de prêt et intention libérale
Dans un arrêt de sa première Chambre civile en date du 2 avril 2014 (pourvoi 13-11.025), les juges de la Cour de cassation ont eu à réfléchir sur la qualification des remboursements des mensualités d'un prêt immobilier souscrit pour l'achat en indivision d'un logement par l'emprunteur avec sa concubine.
Lorsque deux personnes achètent leur logement en indivision, chacun devient propriétaire en proportion de sa participation financière, telle qu'elle est mentionnée sur l'acte d'achat du notaire. Si cet acte précise que les coindivisaires achètent à parts égales, chacun d'eux est considéré propriétaire de la moitié du bien, et ce même si seul l'un d'entre eux rembourse l'emprunt. Dès lors, en cas de séparation ou de vente de bien, celui qui a réglé toutes les mensualités peut réclamer à l'autre indivisaire la part qu'il a payée à la place.
Toutefois, les juges de la Cour de cassation, dans son arrêt du 2 avril 2014, ont jugé le contraire. Dans cette affaire, deux personnes avaient acheté en indivision un bien immobilier, dont une partie avait été payée avec un prêt souscrit solidairement. Les échéances étaient payées que par l'un des coindivisaires. Suite à la rupture du couple, l'un d'entre eux a assigné le coindivisaire en vue de lui réclamer une indemnité d'occupation et de procéder au partage de l'indivision.
Pour la Cour d'appel, le fait que l'achat indivis ait été fait par moitié, « alors que Madame était aux termes de l'acte de vente, sans profession, et que le couple avait eu ensemble deux enfants à l'époque de l'acquisition, établit l'intention libérale en faveur de celle-ci, indépendamment de toute notion de rémunération". Selon les juges, "une telle donation emportait nécessairement renonciation du concubin à se prétendre créancier de l'indivision au titre des remboursements du prêt effectué par lui seul, jusqu'à la séparation du couple ».
Cette analyse a été approuvée par la Cour de cassation, qui a estimé que l'intention de l'emprunteur de gratifier sa compagne ressortait des faits. Le demandeur au procès a été débouté de sa demande en réclamation de la part payée pour sa compagne.
À retenir : la répartition des droits de propriété sur un bien acheté en indivision se fait conformément aux quotes-parts indiquées dans l'acte d'acquisition et non en fonction du financement. Le fait que l'un des acquéreurs ait contribué plus que l'autre est sans incidence sur leurs droits de propriété respectifs : si deux acquéreurs achètent un bien en indivision chacun pour moitié, ils auront acquis la propriété dans la même proportion, sans qu’il ne soit tenu compte des modalités et sources de financement dudit bien (Cass. 1re civ., 10 janvier 2018, n° 16-25.190).
Prêt en indivision : que se passe t'il en cas de décès d'un indivisaire?
La mise en jeu de l’assurance décès
L'emprunt immobilier est souvent accompagné par la souscription d’un contrat d'assurance-décès. Cette assurance, limitée à la durée de l’emprunt immobilier, est destinées à garantir en cas de décès le bon remboursement du prêt souscrit par les indivisaires.
Ainsi, en cas de décès de l’assuré, l’assureur (l'établissement financier prêteur) aura la responsabilité du remboursement du capital restant.
Mais la situation peut s'avérer délicate à appréhender lorsque le couple ne s’est assuré chacun que pour partie du prêt (par exemple, chaque indivisaire acquiert à 50% et est assuré à 50%).
Vis-à-vis de la banque et dans les rapports entre les emprunteurs, les règles diffèrent : ainsi, entre emprunteurs, les juges estiment que le co-emprunteur survivant a toujours la charge du remboursement de sa dette.
Le contentieux des successions
Nombreux sont les cas de jurisprudence dans lesquels un couple acquiert chacun pour moitié un bien immobilier, en souscrivant solidairement un emprunt immobilier et adhérant parallèlement à une assurance décès-invalidité, chacun dans la mesure de sa part et portion.
Au décès de l’un, l’assureur rembourse donc directement l’établissement bancaire prêteur. Le bien immobilier est ensuite mis en vente, mais un désaccord s’élève quant aux modalités du partage du prix de la vente de celui-ci, les héritiers réclamant la moitié du prix au co-emprunteur survivant.
La Cour de cassation tranche de façon constante en faveur des héritiers, et estime que dans cette situation, la mise en œuvre de l’assurance a pour effet, dans les rapports entre les acquéreurs indivis, d’éteindre la dette du défunt, à concurrence du montant versé par l’assureur.