Constituer une hypothèque sur un bien indivis

Sommaire

Petite maison et piles d'euros

Ces situations ne semblent pas fonctionner ensemble et pourtant, il existe des cas où une hypothèque est possible sur un bien indivis. Notre astuce fait le point.

Hypothèque et indivision

Hypothèque et indivision : définitions

L'indivision d'un bien est la situation où plusieurs personnes ont des droits identiques sur un même bien. Les indivisaires sont ainsi, chacun propriétaire d'une quote-part du bien, jusqu'au partage.

L'hypothèque est le fait de mettre « en gage » un bien en guise de garantie pour votre créancier (ex : une banque).

Quel problème pose l'association de ces notions ?

Par principe, il faut être propriétaire du bien pour l'hypothéquer. Or ce n'est qu'après le partage que le sort du bien est fixé et qu'un seul devient propriétaire :

  • alors qu'en est-il lorsqu'il y a plusieurs propriétaires ? Est-il possible d'hypothéquer un bien dont on est pas le seul propriétaire ?
  • Lecréancier qui bénéficie de l'hypothèque peut-il saisir le bien ?

En effet, en cas de partage, si l'immeuble indivis est attribué à un indivisaire B, l'hypothèque consentie par l'indivisaire Adisparaîtra du seul fait du partage.

Avant la fin de l'indivision : sort du bien hypothéqué

Il convient de distinguer plusieurs cas.

Hypothèque donnée par tous les indivisaires sur un même bien

Tous les indivisaires consentent ainsi une hypothèque sur leur bien pour garantir la dette d'un seul indivisaire par exemple ou celle d'une autre personne (extérieure à l'indivision).

Le créancier qui bénéficie de l'hypothèque peut alors saisir le bien et le vendre (voir par exemple Cour de cassation, chambre commerciale, 18 février 2003, n° 00-11.008).

Hypothèque donné par un indivisaire sur l'ensemble du bien sans l'accord des autres

Le créancier ne pourra pas saisir ni vendre le bien. Il pourra seulement provoquer le partage, c'est-à-dire provoquer la fin de l'indivision. La demande de partage est néanmoins soumise à certaines conditions (pour exemple : Cour de cassation, première chambre civile, 17 mai 1982, n° 81-12.312 et Cour de cassation, première chambre civile, 19 novembre 1996, n° 95-11.036).

Hypothèque donné par un indivisaire sur sa quote-part du bien

Là encore, le créancier ne pourra ni saisir ni vendre le bien mais seulement provoquer le partage (article 815-17 du Code civil).

Le maintien des hypothèques inscrites sur un bien indivis à l’encontre d’un seul indivisaire dépend du sort du bien lors du partage. L’effet des sûretés ne subsiste que si le bien est finalement attribué à l’indivisaire contre qui elles sont inscrites. C'est ce qu'ont rappelé les juges de la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 juillet 2013 (n° 12-20.885).

Lorsque des hypothèques sont prises sur la totalité d’un bien indivis, en garantie d’une dette d’un seul indivisaire, les droits des créanciers hypothécaires sont subordonnés au sort du bien. Les hypothèques ne conservent leurs effets que si le bien indivis est attribué au coindivisaire contre qui les sûretés ont été prises.

Dans ce litige, un couple avait fait donation à leur fille d'un terrain, par acte contenant une clause de retour en cas de prédécès de la donataire. Un jugement du 21 mars 2001 prononce la liquidation judiciaire de la donataire, et un liquidateur est désigné.

La donataire décède en mars 2002, après son père donateur, mais avant sa mère décédée quant à elle en janvier 2003, laissant pour recueillir sa succession son autre fille (la sœur de la donataire).

Le terrain donné sur lequel avait été construit une maison d’habitation a été vendu par le liquidateur, et le prix de vente a été distribué entre les créanciers et plus précisément à l'établissement bancaire qui avait fait inscrire des hypothèques judiciaires en garantie des condamnations prononcées contre les donateurs.

Un jugement en première instance du 12 juin 2008, a :

  • constaté la résolution de la donation consentie par sa mère à la donataire ;
  • ordonné la restitution à la fille survivante des droits indivis correspondant à la moitié du terrain ;
  • constaté la nullité de la vente ;
  • condamné le liquidateur à restituer le prix à l’acquéreur.

Le liquidateur a alors assigné les créanciers et notamment la banque en restitution des sommes distribuées.

La cour d’appel a rejeté les demandes du liquidateur.

Sur le pourvoi formé par le liquidateur, ce dernier soutient que l’hypothèque prise sur le bien indivis par un indivisaire ne conserve son effet que si le bien est attribué, après partage, à cet indivisaire. Or, il ne saurait être contesté que ce bien n’a jamais été attribué à la donataire, puisqu’il n’y a jamais eu de partage.

La Cour de cassation a censuré la cour d’appel en relevant qu’alors que cette dernière avait retenu que par l’effet du droit de retour que s’étaient réservés les donateurs, le bien litigieux était devenu indivis entre l’un de ceux-ci, puis sa succession, et la succession de la donataire. Dès lors, il devait se déduire en conséquence que les droits des créanciers hypothécaires, inscrits du chef de cette dernière, étaient subordonnées au sort du bien dans le partage.

Au travers de cette jurisprudence, il en résulte que les droits des créanciers hypothécaires sont bien subordonnés au partage.

Après le partage de l'indivision

À la fin de l'indivision, le bien qui était jusque là indivis est attribué à un indivisaire. Que se passe-t-il avec l'hypothèque consentie pour le créancier ?

Hypothèque donnée par tous les indivisaires

Peu importe l'indivisaire s'étant vu attribuer le bien ; le créancier peut, de toute façon, saisir le bien et le vendre pour se rembourser.

Hypothèque donnée sur le bien par un seul indivisaire et sans accord des autres

Si la personne qui récupère le bien est :

  • l'indivisaire qui a donné l'hypothèque : alors l'hypothèque sera validée puisqu'il devient le seul propriétaire du bien ;
  • un autre indivisaire : l'hypothèque disparaît comme si elle n'avait jamais existé.

Hypothèque consentie par un indivisaire sur sa seule quote-part

Si la personne qui récupère le bien est :

  • l'indivisaire qui a donné l'hypothèque : l'hypothèque est non seulement validée mais elle s’étend désormais à l'intégralité du bien ;
  • un autre indivisaire : l'hypothèque disparaît.

À noter : en cas de vente du bien, on parle de « licitation partage ». Il s'agit de l'hypothèse où le bien est vendu à une tierce personne qui n'est donc pas indivisaire. Le créancier s'étant vu accorder une hypothèque sur ce bien ne pourra saisir le prix de vente reversé que si la somme revient à l'indivisaire ayant constitué l'hypothèque.

Quelques exemples pratiques

Maison hypothéquée et succession : une démarche risquée pour le créancier hypothécaire

Selon la loi, l’hypothèque doit porter sur la totalité du bien. La situation s'avère dès lors délicate dans un contexte de succession, où plusieurs coindivisaires sont propriétaires du même bien immobilier.

Néanmoins, le banquier peut envisager d'hypothéquer une maison en indivision successorale dans les conditions suivantes :

  • l’emprunteur indivisaire est en mesure de prouver qu’il deviendra, à terme, le seul propriétaire du bien en indivision ;
  • et que les coindivisaires donnent leur accord écrit et authentifié (devant notaire), en renonçant en outre à tout recours contre les effets de l’hypothèque.

Hypothèque légale du prêteur de deniers (ex-PPD) et indivision

En supposant qu’un créancier accorde de mettre en hypothèque un bien en indivision, il existe des textes qui accordent une sûreté spéciale au banquier: c'est l'hypothèque légale spéciale de l'article 2402 du Code civil qui remplace le privilège de prêteur de deniers ou PPD à compter du 1er janvier 2022.

Ainsi, l'article 815-17 du Code civil précise de prime abord que le créancier personnel d'un indivisaire ne peut saisir la quote-part de l’emprunteur sur un bien indivis. Cependant, ce texte précise que le créancier peut provoquer le partage au nom de l’emprunteur.

Bon à savoir : cette démarche n'est toutefois possible que s’il est prouvé que la créance est en péril, et si l’actif de l’indivision est supérieur à la dette.

Cas d’un prêt pour travaux

Des héritiers prévoient des travaux de rénovation pour un bien en indivis. Dans cette perspective, ils contractent un prêt et mettent le bien immobilier en garantie.

Dans cette hypothèse, le banquier sera plus sécurisé dans la mesure où l’hypothèque n’est plus inscrite au nom d’un seul indivisaire, mais porte bien sur la globalité de l’indivision. 

Un seul emprunt est alors souscrit, mais le remboursement est assuré par plusieurs ou la totalité des indivisaires.

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