
L'indivision est une situation juridique où plusieurs personnes exercent des droits de même nature sur un même bien. Cela signifie qu'une indivision ne peut pas exister entre un nu-propriétaire et un usufruitier car ils ne sont pas titulaires de droits de même nature.
Situation précaire et temporaire, l'indivision s'achève souvent par un partage. Toutefois, avant que ce partage intervienne, l'indivisaire qui a la jouissance exclusive d'un bien indivis (une maison ou un appartement) est redevable envers les autres coindivisaires d'une indemnité d'occupation, et ce même s'il n'occupe pas les lieux de manière effective. Cela signifie à l'inverse que si un indivisaire n'occupe qu'une partie d'un immeuble indivis, laissant ainsi la possibilité aux autres indivisaires d'occuper la partie vacante, il n'y a pas lieu au paiement de l'indemnité d'occupation car la jouissance n'est pas exclusive.
Comment protéger les indivisaires contre la détérioration ou l'occupation du bien indivis par un seul indivisaire ? Un principe d'indemnisation de l'indivisaire qui occupe ou dégrade le bien est posé par la loi. Nous faisons le point avec vous dans cette astuce.
Occupation du bien indivis par un seul indivisaire
Paiement d'une indemnité d'occupation
« Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires […]. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité », tel est le principe posé à l'article 815-9 du Code civil.
Bon à savoir : aucune indemnité d'occupation ne sera due pour l'indivision après divorce et pour l'indivisaire qui verse déjà un loyer.
À noter : un indivisaire n’est pas tenu de verser une indemnité d’occupation à l’indivision lorsqu'il occupe privativement un immeuble indivis dès lors qu’il le loue en vertu d’un bail verbal et ce, même si la valeur locative du bien est très supérieure au loyer effectivement versé (Cass. 1re civ., 18 mars 2020, n° 19-11.206).
Occupation du bien, mode d'emploi
L'information importante à retenir est l'usage du bien dans le respect des droits des autres indivisaires. Cela signifie donc :
- qu'une indemnisation ne sera due qu'en cas d'occupation exclusive de l'indivisaire, empêchant ainsi les autres d'en profiter ou d'en tirer un bénéfice ;
- que l'indivisaire habite ou non le bien n'a pas d'importance, il ne sera retenu que l'impossibilité pour les autres de profiter du bien. L'empêchement pouvant être de fait ou de droit.
Exemple 1 : cas de la simple détention de clés par un indivisaire, voir Cass. 1re civ., 23 mars 2011, n° 10-10.835.
Exemple 2 : Cass. 1re civ., 29 juin 2011, n° 10-20.229.
Modalités d'obtention de l'indemnité d'occupation
C'est à celui qui réclame l'indemnité de prouver la jouissance exclusive du bien par l'autre indivisaire.
La demande de paiement de l'indemnité devra intervenir dans les 5 ans après le début de l'occupation ; en effet, si la demande intervient par exemple 7 ans après, l'indemnité ne pourra être versée que pour les 5 dernières années.
Indemnité d'occupation indivision non automatique
De nombreuses questions se posent quant à l'indemnité d'occupation.
Nature de l'indemnité d'occupation
Une indemnité d'occupation est destinée à compenser la perte des fruits et revenus (par exemple des loyers) que subit l'indivision en raison de cette occupation.
L'indemnité d'occupation, qui est un revenu, doit être versée à l'indivision et non à chaque indivisaire. C'est au moment du partage que chaque indivisaire sera indemnisé individuellement, en fonction de la part que chacun possède dans l'indivision.
En ce qui concerne la prescription, il faut savoir que l'action en paiement de l'indemnité d'occupation est prescrite par 5 ans, en vertu de l'article 815-10 alinéa 3 du Code civil. Cela signifie concrètement que même si un indivisaire occupe un bien indivis depuis plus de 5 ans, mais qu'aucun paiement ne lui a été demandé par les autres indivisaires, lorsque l'indemnité sera réclamée elle ne pourra l'être que pour les 5 dernières années et pas au delà.
Bon à savoir : le délai de prescription peut être conventionnellement modifié, les indivisaires pouvant se mettre d'accord explicitement par contrat pour une durée plus longue que celle des 5 années légales.
L’indemnité d’occupation n'est pas automatique, même si la condition de jouissance exclusive du bien indivis est remplie. Il faut retenir qu'une demande expresse est requise, et le point de départ de l’indemnité est bien le jour de cette demande. Cette demande est faite au moyen d'une assignation en paiement, rédigée et délivrée par un huissier de justice. Si toutefois un notaire a été désigné par le juge pour les opérations de liquidation-partage, la demande est présentée dans un procès-verbal dressé par ce notaire. Enfin, la demande peut aussi émaner d'un avocat, au cours d’une procédure devant le juge du partage.
Comme la prescription quinquennale s’applique, la demande en paiement de l'indemnité d'occupation doit évidemment être présentée le plus tôt possible, comme le réaffirme une jurisprudence constante en la matière.
L'indemnité d'occupation peut ne pas être due
En principe, la jouissance exclusive d'un bien appartenant à l'indivision entraîne le paiement d'une indemnité d'occupation. Mais il y a certaines situations où aucun paiement n'est dû :
- aucun paiement n'est dû pour le conjoint survivant qui se voit léguer un usufruit universel (l'usufruit de tous les biens successoraux) : recevant l'usufruit des biens indivis, il peut en jouir sans avoir à payer d'indemnité d'occupation, dans la mesure où il a hérité de ce droit d'usufruit ;
- aucun paiement n'est non plus dû pour un époux en instance de divorce qui bénéficie du droit de jouissance d'un bien immobilier, si les coindivisaires, au titre des devoirs du mariage encore existants, s'accordent pour que l'un d'eux jouisse seul et de manière exclusive dudit bien indivis.
Point de départ du paiement de l'indemnité d'occupation
En principe, l'indemnité d'occupation est due dès le début de la prise de possession, de la jouissance exclusive (par exemple, le jour de l'emménagement effectif). Cependant, en raison de l'application de la prescription quinquennale, ce point de départ peut être différé, de telle sorte que l'indemnité n'est effectivement due que pour les 5 années précédant la demande de paiement de l'indemnité d'occupation.
Bon à savoir : s'agissant des époux en instance de divorce, le point de départ du paiement de l'indemnité d'occupation est, sauf exception, le jour où le bien n'est plus considéré comme étant à l'usage commun des 2 époux.
C'est le juge judiciaire qui fixe le montant de l'indemnité d'occupation. Si le titulaire de l'occupation exclusive a amélioré le bien indivis grâce à ses deniers personnels, en y faisant différents travaux par exemple, l'indemnité est calculée en fonction de l'état du bien amélioré. Au moment du partage, cet indivisaire pourra faire valoir son droit à être indemnisé pour tout ce qu'il a payé personnellement.
Que se passe-t-il en cas de jouissance exclusive frauduleuse ?
Si un indivisaire occupe exclusivement un bien indivis, sans avoir préalablement obtenu l'accord des autres indivisaires, son occupation est alors considérée comme illégitime.
Dès lors, les autres coindivisaires sont en droit de saisir le juge judiciaire afin qu'il statue sur la fixation d'une indemnité d'occupation. En effet, selon une jurisprudence constante, « ce comportement revient à ne pas jouir du bien dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires ». L'indivisaire illégitime est légalement redevable de l'indemnité d'occupation correspondant à la durée pendant laquelle il a occupé le bien indivis, et ce de façon frauduleuse.
Dégradation du bien indivis par un indivisaire
L'article 815-13 du Code civil dispose que : « Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation […]. Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute ».
Selon la doctrine majoritaire, le montant de l'indemnité, destinée à compenser les dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur d'un bien indivis, est égal à la somme nécessaire à la remise en état du bien (en présence d’une détérioration matérielle), ou est égal à la baisse de valeur qui a été occasionnée par la faute de gestion (laquelle peut être difficile à prouver).
En pratique :
- il sera nécessaire de démontrer que la dégradation du bien indivis résulte effectivement « d'un fait ou d'une faute » de l'indivisaire ;
- l'indemnisation sera calculée au regard des dommages occasionnés ;
- l'indivisaire lésé pourra exiger l'indemnisation au moment de la dégradation ; il ne sera pas tenu, en effet, d'attendre le partage.
Besoin d'aller plus loin sur le sujet ?
- Commencez par comprendre ce qu'est un coindivisaire ;
- Consultez notre page sur ce qu'est un bien en indivision ;
- Apprenez qui est en mesure de s'occuper de la gestion d'un bien indivis.